
(illustration réalisée par Siméon Janssens)
Récit
6 août 2018 (2017 ? )
La vallée du Rhône a laissé une grande cicatrice bien visible lorsqu’on aperçoit la chaîne des alpes suisses depuis un avion de ligne.
Durant les canicules de l’été, les hauts sommets toujours enneigés forment de magnifiques stratocumulus qui gonflent durant la journée pour enfin se transformer en pluie qui arrosent les vallées adjacentes à celle du Rhône.
Nous sommes en Valais ce lundi 6 août : Installés sur le flanc sud à mi-hauteur entre la ville de Sion et le sommet, nous devons prendre la route en direction des Collons situé aussi sur le même versant pour y rejoindre nos amis qui nous attendent pour un dîner.
De Nendaz, un énorme cumulus de couleur mauve foncé recouvre toute la vallée en amont, de plus, garni d’un magnifique arcus, ayant la forme d’un rouleau avec une forme bien arrondie.
Je craignais ce trajet de 28 km en voiture ayant vu les radars météo peu encourageants.
La porte électrique du garage s’ouvre et nous nous engageons sur la route comme d’habitude mais le tonnerre gronde, il ne pleut pas encore.
Cependant, dans la descente du village, un gros éclair me surprend et je n’aime pas cela du tout. Les flashes fréquents viennent de la fenêtre de gauche, et pour les voir le moins possible, j’abaisse le pare-soleil.
La pluie se met à tomber, d’abord fine et tourne rapidement au déluge quand nous quittons le village de Beuson . Dans la montée vers Veysonnaz, la pluie est si drue qu’il fait tout noir, enfin presque, car interrompu par les foudres beaucoup trop nombreuses à mon goût.
Soudain, dans la pénombre des phares et antibrouillards, j’aperçois quelque chose qui barre la route, les choses se passent alors très vite car avant le temps de me rendre compte que c’est une vague qui descend, la voiture se retrouve au milieu d’une petite rivière turbulente.
La hybride et son poids conséquent dû à sa grosse batterie tient le coup, elle monte courageusement au milieu des flots furieux qui augmente constamment.
La visibilité est très faible et grâce aux antibrouillards la voiture avance lentement mais sûrement, arrivés à une « épingle à cheveux » nous hésitons à aller tout droit et nous arrêter un peu, mais Murphy est là et pensant que l’eau de la route vient de tout droit, je m’engage dans le virage et m’aperçois que l’eau vient de la même direction.
La pluie qui tombe tellement fort est comme un brouillard opaque, il fait si sombre que la route deviendrait invisible si ce n’est que le sens du courant nous permet de garder la direction voulue, il faut éviter le côté avec le mur et le rocher et l’autre avec le précipice invisible.
J’aimerais m’arrêter un peu, mais ce n’est pas possible du moment que la voiture avance à travers toute cette eau. Un arrêt de car postal est providentiel, nous nous y arrêtons. C’est à ce moment là que je me rends compte de la vitesse à laquelle l’eau dévale la route.
Soudain, plus loin en amont apparaissent de part et d’autre de la route deux petits monticules, et en regardant bien, cela ressemble à deux geysers, l’eau jaillit de deux bouches d’égout, j’avance la voiture pour passer entre les deux et voilà la route toujours couverte d’eau mais avec moins de débit.
Malgré la vitesse lente, je n’arrive toujours pas à distinguer les bords de la route, surtout dans les virages où je m’arrête le temps de repérer le mur, le rocher ou le garde-fou avant de m’engager dans le virage.
Tout à coup, la foudre se rappelle à elle en crachant sa lumière intense entre l’arbre et la voiture, inondant nos oreilles de son craquement sec et cassant. Cela suffit, nous stoppons à nouveau à l’entrée de la Station de Veysonnaz et attendons que cela se calme, mes mains devant les yeux pour ne plus voir de flashes, je n’étais pas fier ; le téléphone sonne, ce sont nos amis qui viennent aux nouvelles et annoncent que l’enfer est passé chez eux.
La pluie tombe moins fort et nous voilà repartis sans encombres si ce n’est un sapin qui vient de chuter sur la route quelques minutes plus tôt et déjà entouré des gens de la voirie qui sont en train de débiter afin de dégager un passage.
Nos amis avaient raison, une fois arrivés chez eux, l’enfer était passé mais on ne m’y reprendra plus !
Jean-Pierre
(récit soigneusement corrigé par Béné)